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  • « Transgalactic Nirvana », Nathalie Blanc, avril 2013

    Les “Aventures Transalpines” de l’artiste Nadine Blandiche, prennent un nouveau virage. Fidèle à son attirance pour les sports de glisse, elle s’enfonce sur des pistes inconnues, scrute le monde par delà ses limites, pour se fondre voluptueusement en lui. Skieurs et lugeurs s’enchaînent, dont elle s’amuse à souligner l’ambiguïté, l’automatisme des postures, l’esthétique stéréotypée. En dehors de la forme technique et aérodynamique, la pénétration dans l’air ainsi que le corps à corps avec la matière fluide glacée, ont partie liée avec le sexuel.
    La suggestion est redoublée dés qu’il s’agit de combiner deux corps, à fortiori de sexes opposés (la mixité étant quasi-inexistante dans les disciplines olympiques). En même temps, la synchronisation du geste sportif, son inlassable répétition, vise à mimer l’acte en question, et paradoxalement tend à l’anéantir.
    La sensation d’inertie l’emporte sur celle de mouvement. L’absurde course à la victoire et la jouissance éphémère, sont soudain « épinglées ». Le pressentiment de la chute fatale, suivant une trajectoire exacte, évidente, affleure imperceptiblement.
    “Double-mixte” représente un homme et une femme fusionnant, tendus vers un même idéal d’absolu et de perfection. Nul besoin de luge, ou de toboggan, les corps s’interpénètrent et glissent l’un avec l’autre, l’un sur l’autre. Leur objectif est l’universalité, l’intemporalité, ne faire qu’un seul et unique corps traversant l’espace. Surfant sur la crête où l’équilibre semble résider dans un déséquilibre permanent que guettent la blessure, l’abandon, la dépression, le couple symbiotique aspire à cette soif de grandeur que partagent le sport de haut niveau, et la création artistique, fragile dans son exception.

    “Nirvana Transgalactique”, évoque un voyage dans l’infini, une expérience transcendantale, où temps et espace renaissent dans une dimension hyperbolique. Humour et nostalgie se mêlent. La science- fiction s’invite à travers ses utopies, ses rêves de conquêtes spatiales, ses images un peu surannées. Avide d’étrangeté, elle explore les territoires du corps et de l’âme, découpant, transformant chaque parcelle. Alors que, depuis belle lurette, l’intelligence artificielle, et le clonage n’ont plus de secret pour elle, que ses fantasmes les plus extravagants, pour la plupart, se sont concrétisés, qu’à t elle aujourd’hui à nous raconter ? La science-fiction tombera-elle sous le joug du désenchantement tentaculaire ?

    Des têtes androgynes enchâssées dans des casques, affirment une complexité de style, de caractère, avec leurs reliefs artificiels et bigarrés, leurs plis et replis organiques, métalliques. En signe de reconnaissance, ces visages incrustés de masques, semblent absorbés dans leur réflexion intérieure, renfermés sur eux même, oublieux du monde extérieur. Les têtes sans corps appellent le corps manquant, la décollation, mais aussi l’envol, le détachement à la tragique réalité.
    Au centre de cette congrégation mystérieuse apparaît, impassible, lactescente, la figure du couple, tel un vaisseau fantôme. La statue hybride étire ses membres souples et lisses vers l’infini. Portée sur son socle, elle est le point de mire des visionnaires et des sceptiques. L’image du mythe, celle de l’être parfait réunissant le mâle et la femelle sur ses deux faces, est latente. Bien que l’on puisse y voir également, l’impossible fusion des amants soudain prisonniers de la matière pétrifiante. Moins romantique est l’image du double, ou d’une projection narcissique et mortifiante de soi. L’absence d’expression, la ressemblance mimétique, l’homogénéité des corps, renforcent l’aspect spectral et surnaturel. Et pourtant ces étranges humanoïdes existent bel et bien parmi nous.

    Notre époque voit la science-fiction se superposer à la réalité. Enchaîné à des tas de prothèses existentielles, empêtré dans des rôles de représentation, exhibé par les médias, tyrannisé par des injonctions plus ou moins paradoxales, le corps se morcelle, se délite, se creuse, devient de plus en plus artificiel. L’idée du corps, sous-entend non seulement son apparence mais ce qui l’habite, sa conscience, son désir, son ressenti.
    L’univers du sport offre une caricature de ce constat. La transformation physique excessive relève de la purification, de la mise sous cellophane de corps dont les prothèses deviennent la norme. Les nombreux accoutrements, accessoires techniques, nous font oublier l’identité, le sexe, jusqu’à l’humanité des corps qui les portent. Le corps technologique est la réalisation d’un fantasme du corps conçu comme arme de pénétration, un corps vitesse, corps torpille, corps percutant, corps projectile, dont l’ultime métaphore, et funeste destin, est la “désintégration dans les flammes”.